ESSD et contractualisation publique en France : une contradiction insurmontable ?

Article paru dans la revue Sécurité globale numéro de printemps 2014

Puissance publique et contrat sont deux notions en apparence antinomiques. La puissance publique n’aime pas le contrat. La puissance publique commande. Elle impose sa volonté de façon unilatérale. Elle exécute d’office. La puissance publique est seule fondée à agir au nom de l’intérêt général. Elle ne négocie pas. Elle ne transige pas. Elle ne marchande pas. La puissance publique est monolithique, indivisible, intrinsèquement unique. La contractualisation l’oblige à composer avec une altérité dont la volonté pourrait être différente de la sienne. Elle entame son unicité. Elle affaiblit sa volonté de puissance. Pour la personne publique, l’idée de contrat est intolérable. Dès lors, par réflexe nietzschéen, elle la rejette.

Dit autrement, la souveraineté s’arrêterait là où le contrat commence. Si l’affirmation paraît brutale, les réactions emportées des détracteurs de toute occurrence du fait contractuel dans les domaines régaliens le sont davantage. Appliquée aux domaines de la sécurité et de la défense, la notion de contrat nourrit de vives contestations. Désignés par la doctrine en sciences de gestion sous le terme générique « d’externalisation », les contrats publics passés entre une personne privée, qu’elle soit morale ou physique, et un pouvoir adjudicateur dit « régalien », sont suspectés de profaner la souveraineté de l’État en ce qu’elle a de plus sacré. Ces contrats sont généralement dénoncés avec véhémence et leurs opposants vivent leur protestation comme un acte de résistance.

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